Parmi les artistes exposant dans la vaste coursive vitrée du neuvième étage de Buropolis, certain-e-s disent avoir entendu gémir l’ossature métallique. Après cinquante ans de service à peine, ce bâtiment conçu en 1971 par des architectes y voyant alors un miracle de légèreté, de vides, de sols et de cloisons modulables, sera détruit dans quelques mois. Plusieurs propositions font directement écho à cette absurdité motivée par la spéculation immobilière. La menace imminente est présentifiée par le martellement alerte d’un picus viridis ou pic vert annonçant la saison des marteaux-piqueurs, des coups de masses, des dynamitages. L’animal en question (Epilêpsis, 2013), conçu par Jérémy Laffon, est un piolet mécanique activé au moyen d’un détecteur de présence inversé se mettant en marche lorsque qu’aucun mouvement n’est capté alentour. Kiakiakiakia-kiakiakiak picasse (c’est le nom de son cri) l’animal-outil commençant à trouer le mur de son bec pointu.
Avec ses gravas, ses piles de matériaux, ses machines, son effervescence, le chantier constitue une sorte de paradigme de l’activité contemporaine cadencée par un cycle effréné de démolition/construction.
(Cyril Jarton, 2021)
Vue de l'exposition Fugitives, galerie de la SCEP, Marseille, 2021-2022