Chaque œuvre de Jeremy Laffon devient un piège, une capture, une délivrance par l’embrassement et la syncope. Le rythme doit passer par son effondrement. Nous séjournons ainsi sur le lit de l’ambivalence liés aux mains expertes de l’artiste. Nous gardons un pied sur terre mais l’autre nous le prenons. .
Fatales les masses compactes, signifiantes des entassements et des piles de l’artiste semblent toujours en voie de glissement. Tout semble prêt à tomber avant que de renaître. Nous sommes donc vus par ces empilements autant que nous les voyons, imaginant que l’infini serait enfin non seulement réfléchi mais réciproque. Il suffit de surplomber leurs falaises pour notre trépanation. L’amoncellement devient une forme de déflagration.
L’œuvre dans sa pureté lumineuse semble pouvoir tout avaler de manière aussi inoffensive que carnassière. Livres et autres objets maigres comme des clous à nous rendre marteau ou obèses vues de dos ou à l’envers, qu’importe : cela ne change pas grand chose. Dans le (faux) désordre de leurs empilements nous restons en attente de la révélation suprême. Une immense énergie unitaire nous transporte. Elle accuse notre gravitation éparse, arbitraire qui nous tire du sol vers le ciel.
Les œuvres démembrées et reconstruites sont des brèches qui dénudent par l’inscription et la rupture d’une géométrie fulgurante. Grammaire sans règles mais précise ce travail fait attendre une avalanche mais nous n’avons pas peur de mourir du tout. Placides nous cédons au plaisir reçu par de telles décharges (propres sur elles) à tous les sens du terme. Un plaisir expliqué par le déplacement des épures et le geste qui le crée afin d’occuper tout l’espace.
Nous sommes ivres et criblés. « Mère ! Mère ! » Crions-nous alors car il est agréable de croire que l’électricité reçue nous libère de toutes les pesanteurs par changement de rythme et de débit par l’usure rhétorique que Laffon insinue. Reste, silencieusement, un accord tacite avec la dérive. Nous voici pour un temps sous hypnose, complices des manipulations de l’artiste. Elles lapent, sucent, mastiquent. Pour nous c’est une joie. Ephémère. Une joie presque sans objet. Là où pourtant ils règnent en maître.
La poétique plastique fait paradoxalement un trou dans ce qui nous entoure. Ce plein devient un vide vaporeux. Il n’a pas de bord. Il illumine en un éclair. Laffon ne cesse d’envisager les permutations possibles des objets en tant que supports afin d’en proposer de nouvelles manières de les « lire ». et de percer leur imaginaire.