Chaque œuvre de Jeremy Laffon fait le lit de l'ambivalence. Le spectateur y saute en gardant un pied sur terre. L'autre il le prend. Il est devant des masses compactes, signifiantes-insignifiantes, des entassements et des piles (galettes en chewing-gum mâché par exemple). L'amoncellement devient une forme de déflagration iconoclaste.
Tout est présenté dans une pureté lumineuse. Livres et autres objets maigres comme des clous à nous rendre marteau ou éléments obèses - vus de dos ou à l'envers - créent d'étranges cérémonials délétères. Qu'importe leur nature ou leur matière : cela ne change pas grand chose. Dans le (faux) désordre des empilements dérisoire une énergie circule non sans ironie.
Les œuvres démembrées et reconstruites sont des brèches qui dénudent. Leur inscription dans des réceptacles improbables crée des géométries sans règles mais précises. Jeremy Laffon ne cesse d'envisager les permutations possibles des objets en tant que supports afin d'en proposer de nouvelles manières de les "lire" et de percer leur imaginaire. Placide le spectateur cède au plaisir de telles décharges produites par des courts-circuits.
Il est agréable de croire que l'électricité reçue libère de toutes les pesanteurs par l'usure rhétorique que Jeremy Laffon insinue. Reste un accord tacite avec les restes. Nous voici sous hypnose, complices des manipulations de l'artiste. Elles lapent, sucent, mastiquent (et pas seulement du chewing-gum). Pour nous c'est une joie. Une joie presque sans objet et éphémère. Mais une joie tout de même. La poétique plastique provoque un trou dans ce qui nous entoure. Ce plein devient un vide vaporeux. Il n'a pas de bord. Il illumine en un éclair